Le duo Claire Rengade et Philippe Pipon Garcia se rencontrent au bon moment : il commence à s’intéresser au travail du texte, elle rêve de dire ses textes avec un batteur. L’occasion de commencer ensemble se concrétise avec une première création jeunesse « normalement je re-spawne » à l’initiative de la médiathèque de Vaise à Lyon en juin 2017, à l’occasion de la troisième édition du « 1er juin des Écritures théâtrales jeunesse ». Ils proposent alors un sur mesure à partir d’extraits des textes de Claire : Carnivore (Editions théâtrales), Et maintenant posez-moi des questions (Editions Espaces 34), et Les terriens (Espaces 34).

Avec FOULE, il s’agit plus de « faire théâtre » mais de « faire groupe ». Les instruments se déploient, les morceaux se succèdent dans leurs logiques propres et non plus dans une recherche dramaturgique. Il ne s’agit pas non plus de définir un type de musique, c’est le ad lib tout azimuts, du rap au raga, de la bande son cinéma au théâtre intime, nous allons droit devant nous dans tous les formats, nous cherchons les recoins, les températures, nos façons d’être plusieurs : FOULE c’est la multiplication des nous, et pleins de vies pour la route.

Les mots de Philippe Pipon Garcia

Mon expérience de travail avec le texte est très récente : j’ai commencé il y a un an avec la comédienne Caterina Riboud dans une mise en scène de Yves Neff. Travailler avec le texte c’est pour moi un vrai changement : qu’il soit leader ou accompagnateur, c’est un nouveau son quand je joue. Ce n’est pas comme un sax ou une guitare, ce n’est pas juste une note non plus, c’est une couleur avec un contenu. Lorsque je lis le texte tout seul, je ne comprends rien, mais lorsque les comédiennes le disent (Caterina puis Claire) j’entends des images. Je vois ce que je peux y écrire exprès, j’entends des univers exprès que je ne peux pas jouer ailleurs. Ma musique n’appartient à aucun genre et les contient tous, je peux passer du chant de l’autoroute à la berceuse, j’écris et j’improvise avec la matière écrite. Composer ce n’est pas appuyer sur des boutons, c’est continuer à écrire l’instant.

Je suis batteur de batterie traditionnelle, la plus simple et la plus essentielle qui soit ; j’ai la même position avec le même matériel de 1988 à il y a trois jours sur scène : la batterie minimum, de base, sans fioritures et sans accessoires. Ma main droite et mon pied droit jouent de cette batterie là, et à la main gauche j’ai une extension, un sampleur que j’utilise comme élément de la batterie avec des sons tirés de l’acoustique. C’est tout. Très peu d’élément et toute la place à la création. Dans notre duo, la voix se déplace dans cette configuration minimaliste, elle est réelle, elle est traitée, on brouille les pistes de toutes ses entrées avec une grande place pour l’écoute du texte et de la musique. A taille humaine.

Les mots de Claire Rengade

J’écris une parole qui est d’abord un mouvement, les mots sont sur scène alors la parole est adressée, on peut le dire : je te parle. Quand je joue avec toi, je te parle, sur scène c’est pareil. On peut raconter ce qu’on voudra, la parole ne fera pas semblant. Tout ce qui sera possible pour ne pas restée écrite, on ira, tout ce qui dans la voix toute seule qui ne se grime pas mais a ses saisons, ses rocailles ou son chuchotti, son possible chant et le corps qui va avec, on ira. Et comme le cœur qui fait pas de bruit mais bat tout le temps, le tempo fait tapis. Le rythme avant tout, dès qu’on change de rythme on change de vie non ? Moi je veux bien toutes les vies, la batterie ça ressemble à la base non ? Je ne sais pas si je savais ce qu’étais une batterie, je sais que ce qu’en propose Pipon c’est un monde vraiment à lui ; Je ne savais pas que ça parlait même à voix basse, que ça faisait le poul des mots à ce point, on a cherché le doux des images et ça nous a donné des crocs pour la route aussi.

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